Il y a un an, les complémentaires santé s’engageaient à rendre leurs contrats d’assurance plus lisibles, en uniformisant certains postes de remboursement ou en exprimant ces derniers en euros. Des améliorations bienvenues, mais qui ne règlent pas le fond du problème.
Comprendre facilement son contrat d’assurance santé, un parcours du combattant pour de nombreux Français. Partant de ce constat, l’Union nationale des organismes decomplémentaire santé (Unocam), organisme qui réunit les fédérations de complémentaires d’assurance maladie – la Mutualité française, la Fédération française de l’Assurance et le Centre technique de l’institut de prévoyance – s’est engagée en février 2019 à améliorer la lisibilité des contrats d’assurance. Une promesse prise devant la ministre des Solidarités et de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn.“Cet accord harmonise les libellés de garanties avec des grands sous ensembles communs, mais aussi des rubriques communes”, rappelle Albert Lautman, directeur général de la Mutualité française, groupement professionnel qui regroupe une très grosse partie des acteurs de la complémentaire.
L’accord en question a tout d’abord prévu que les intitulés de 12 garanties de base soient harmonisés au sein des contrats. Un engagement qui doit être tenu d’ici la fin de l’année 2020, rappelle le ministère des Solidarités et de la Santé, contacté par Capital. Parmi ces 12 intitulés, on retrouve ainsi le “forfait journalier hospitalier” – la participation financière du patient lors d’un séjour en hôpital -, les “honoraires médicaux” – facturés par un généraliste ou spécialiste -, les “médicaments” ou encore “analyses et examens laboratoires”, c’est-à-dire les radios et prises de sang. Les lunettes, appareils auditifs et soins dentaires seront également uniformisés, d’autant qu’ils sont maintenant proposés sans reste à charge pour l’assuré.
Ces mesures de lisibilité interviennent pour clarifier une situation jusque là confuse. Chaque assurance pouvait ainsi choisir de donner une appellation différente à une garantie pourtant identique. Surtout, et il s’agit ici de la plus grosse avancée, tous les contrats doivent être assortis depuis le 1er janvier de 15 exemples communs de remboursements en euros. “Ces illustrations concernent les actes les plus fréquents et sont une belle avancée concède, Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du cabinet de conseils Facts & Figures. Les tableaux que nous analysons encore aujourd’hui sont présentés de manière très hétérogènes. En dentaire, certains évoquent la de base de remboursement de la Sécurité sociale (BRSS), d’autres évoquent des sommes maximales de remboursement.” Des chiffres souvent indigestes et in fine très compliqués à comparer pour les assurés. Pour offrir plus de lisibilité aux assurés, lee tableau figurant en annexe de l’accord signé entre les fédérations et le ministère est ainsi composé de six colonnes simplement exprimées. Pour une consultation chez un médecin spécialiste par exemple, il doit être indiqué le tarif moyen de 50 euros la séance (23 euros de tarif conventionnel et 27 euros de dépassement d’honoraire), la part de remboursement de la Sécurité sociale de 15,1 euros, la couverture du contrat de complémentaire, de 18,4 euros par exemple. La colonne reste à charge serait donc de 16,5 euros. Promesses tenues Reste à savoir où en sont concrètement ces deux engagements.. Une première enquête de l’Unocam publiée le 9 mars fait ressortir des chiffres “très encourageants”. Sur les 51 millions de personnes entrant dans le champs de l’enquête, 92% d’entre elles ont pu profiter de l’harmonisation des libellés des principaux postes de garantie, et 70% ont eu accès à des exemples de remboursement en euros, directement sur le site internet, sur leur compte d’assuré ou bien par des supports papiers (dépliants, brochures, ou notice d’accompagnement). “Les gros groupes sont naturellement les mieux équipés.
A la fin du premier trimestre, on peut estimer que les contrats seront quasiment tous aux normes”, note Franck Cheron, spécialiste des assurances à la personne au sein du cabinet Deloitte. Dans une note de décembre, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui rassemble professionnels et associations de consommateurs, constate lui aussi que les engagements ses sont effectivement traduit par des actes. Le comité “invite” cependant les professionnels à rendre “facilement accessibles” les exemples de remboursement depuis leur site internet “ou tout autre vecteur adapté”, en plus de leur présence systématique dans les supports présentant les garanties. Parmi les précisions exigées par le CCSF figurent les délais de carence, ces périodes suivant la signature du contrat et durant lesquelles l’assuré ne peut-être remboursé. Le remboursement en euros est très difficile à mettre en place dans les contrats Si on constate donc de réelles avancées quant à la lisibilité des constats, elles ne solutionnent pas tous les problèmes posés.
Pour l’heure, il n’est toujours pas prévu d’inclure les tableaux de remboursements en euros directement dans les contrats… Une mesure quasi-impossible à mettre en place selon Franck Cheron : “L’essence du contrat d’assurance est de contenir des obligations de généralité. Passer de données macroéconomiques (des pourcentages de remboursements, ndlr) à des données microéconomiques (les remboursements en euros, ndlr) est quelque chose de très compliqué”. Le CCSF travaille ainsi en ce moment sur la possibilité de préciser sur tous les contrats le montant, en euros, de la base de remboursement de la Sécurité sociale. Une donnée essentielle puisqu’elle sert de référentiel aux complémentaires pour établir leur remboursement de la complémentaire. Un acte rembourse à 80% sur une base de 20 euros vous permettra ainsi de récupérer 16 euros dans votre poche. Le tableau de garanti pourrait lui aussi être considérablement amélioré. Car l’engagement des complémentaires prévoit ainsi la possibilité de panacher les garanties, et donc de choisir selon leur convenance des appellation de rubriques pour se démarquer. Il est même prévu que les complémentaires puissent rajouter autant de sous-rubriques, atténuant ainsi l’objectif de lisibilité.
Représentant de l’association de consommateurs UFC-Que choisir, Mathieu Robin estime qu’il faudrait normalisés “un maximum” de postes de remboursement, y compris les sous rubriques de remboursements. A l’image de ce qui se fait dans le secteur bancaire, les brochures tarifaires pourraient aussi être rédigées “dans un ordre précis”, postes par postes. “L’assurance santé et la prévoyance représentent 29% des contrats en France et 72% des réclamations. La principale source de conflit sont les incompréhensions sur prise en charge. Cette grande complexité devrait justifier une très grande ambition pour rendre davantage lisible les contrats. Ce qui fait actuellement n’est pas suffisant” assure-t-il. “Le ministère ne peut pas empêcher les acteurs de se différencier. Il est donc hautement improbable pour les complémentaires de posséder des exemples totalement communs. L’une mettra en avant ses remboursements de médicaments contraceptifs, d’autres le remboursement de l’entretien des appareils auditifs” estime de son côté Cyrille Chartier-Kastler. Afin de justifier ces freins à la lisibilité des contrats, les connaisseurs du dossier en reviennent tous à un argument : la complexité du système de Sécurité sociale Français. “La nomenclature de l’Assurance maladie est loin d’être connue de tous les Français”, euphémise Franck Cheron. “Ce ne sont pas les garanties des contrats qui sont complexes, mais plutôt la nomenclature de la Sécurité sociale”, confirme Albert Lautman.
Des améliorations possibles Par quoi pourrait donc passer la meilleure compréhension des contrats si une harmonisation en euro est jugée trop compliquée ? “Il faut commencer par se mettre autour de la table car les exemples fournis ne suffisent pas. Chaque assureur a sa spécificité et ce qu’il convient de faire, c’est donner demain des éléments qui donnent une comparaison facilitée, plaide Fabien Soccio, porte-parole du comparateur Meilleureassurance. S’il n’est vraiment pas possible de parler en euro, alors il faut que les assureurs communiquent tous en base de remboursement, et non plus en forfait ou en tarif conventionné. La mesure importe peu, tant qu’elle est commune.”
S’il n’est pas possible d’uniformiser la présentation des remboursements et la totalité des garanties, les autorités prévoient au moins de démocratiser l’assimilation des termes jugés trop techniques. Le CCSF y planche actuellement, en coopération avec l’Unocam. Le comité espère ainsi boucler pour de bon la création d’un glossaire normé recensant et définissant les termes parfois incompréhensibles de prime abord. “Il faut absolument que cela soit le plus concret possible”, exige une source proche du dossier. Ce glossaire existe déjà mais est laissé à la libre appréciation des organismes complémentaires, il n’est donc pas harmonisé. Dans son rapport, l’Unocam souligne de son côté avoir déjà travaillé sur ce dossier, et que plus de 50% des assurés (environ 33 millions de personne) ont eu accès “à tout” ou partie de ces définition. Elles seront “prochainement” mises à disposition sur les sites des complémentaires. Un des objectifs principaux du CCSF est la clarification définitive, par l’ajout de quelques lignes d’explication concrètes, des appellations des formules de protection. “Essentiel”, “liberté”, “confort”… De jolis sobriquets qui ne permettent pas de déterminer clairement les garanties comprises dans le contrat. La dernière piste étudiée pour clarifier les garanties des contrats est prometteuse. Un simulateur de reste à charge a déjà été mis en place par certains acteurs comme Groupama la Macif et la Maaf. Le but est noble : permettre de comprendre directement sur les sites des complémentaires, et selon le contrat souscrit, la part prise en charge par la Sécurité sociale, celle de la complémentaire ainsi que le reste à charge. L’Unocam prévoit d’en faire bénéficier plus de 40 millions d’assurés. Aucun chiffre n’a cependant été communiqué sur le nombre d’assurés bénéficiant actuellement de ces simulateurs. Là encore, la même critique émerge : l’outil est utile, mais n’est accompagné d’aucune harmonisation. Certains postes de remboursement apparaissent systématiquement comme l’optique, ou les consultations de médecins, mais d’autres se plus rares comme les remboursements en pharmacie.